samedi 28 juillet 2012

Les Babouches d'or



Les Babouches d'or, huile sur toile, 38X46 cm, juillet 2012.

Elle s'avance vers la table de massage, d'un geste souple de la cheville rejette ses babouches d'or, vérifie que ses cheveux sont bien tenus par le ruban carmin que la masseuse lui a donné, et qu'elle porte elle-même d'ailleurs, défait son paréo noir comme son chignon au liseret rouge, libère ses seins, son ventre, ses cuisses, s'allonge sur le meuble large au tissu ocre et doux telle une terre molle et accueillante ; la masseuse lui couvre les pieds, les jambes du paréo ; qu'elle ne prenne pas froid le temps que le mouvement remonte la vallée des reins, comme on tisse la lumière, se courbe à la crête des fesses tel un soleil couchant, et redescende jusqu'à la pointe vertigineuse de ses orteils ; la masseuse au visage si paisible, déjà toute concentration, tout lâcher-prise, garde son propre paréo, plus coloré ; on devine qu'elle-même ne porte rien en dessous ; liberté nécessaire des gestes qu'elle va accomplir ; reconnaissance d'une frontière qui les reliera, au plus profond du corps humain : la peau, pièce de soie close et ouverte au monde. Partage de celle qui donne et reçoit. Elle s'allonge sur le ventre, les bras d'abord en arabesque autour de la tête, elle les alignera ensuite le long de ses flancs ; tourne le visage vers la clarté diffuse des moucharabiehs, qui filtrent l'espace et le temps. La main droite de la masseuse s'est avancée vers le bol rempli d'une huile tiède et parfumée, y a trempé l'index, le majeur et l'annulaire, trilogie de l'onction ; a rejoint la main gauche, mains qui se sont frottées l'une contre l'autre, puis posées calmement sur le dos ; un filet d'huile laisse une première trace le long de la colonne vertébrale, fil d'or, celui des babouches et des moucharabiehs. Le tableau commence à vivre à cet instant-là, inspire et expire, profondément.
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