jeudi 17 mai 2012

Reflet



Reflet, huile sur toile, 33X41 cm, mai 2012.

Je me suis assis dans le fauteuil vide, j'ai feuilleté l'un des deux livres posés sur le guéridon, regardé secrètement, de trois-quarts et en contre-plongée, cette jeune femme qui vient de se lever, belle, un doigt en marque-page dans le livre qu'elle lisait elle-même, tranquillement nue dans l'intimité de son monde intérieur ; pourquoi s'est-elle levée ? A-t-elle détecté ma présence, voulu vérifier dans le miroir suspendu la réalité de son reflet, après qu'une phrase, un mot peut-être l'eut intriguée sur ce qu'elle était, ce qu'elle montrait dans la vie, à elle et aux autres ? Je n'ose bouger. Le monde extérieur et sa lumière bruissent derrière le volet à moitié clos. Ce guéridon... Victor Hugo l'eût fait tourner. N'est-ce pas l'ombre d'un homme qui se dessine, là, rencognée dans la petite pièce, entre miroir et fenêtre ? Est-ce cette présence que la jeune femme a sentie, pressentie dans sa lecture silencieuse ? Ou bien la mienne, - la même peut-être -, moi qui la regarde, qui suis là secrètement. Non : elle se contemple, elle se rassure de sa propre image, elle va probablement se rasseoir, et je vais continuer à la regarder, dans cette pièce où je me sens désormais si bien, comme un fantôme paisible, à l'abri, reflet.
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samedi 5 mai 2012

L'Entre-deux



L'Entre-deux, huile sur toile, 40X40 cm, mai 2012.

Pèlerinage, vers soi, vers l'autre, ces deux-là, celle-là, c'est ainsi que se lit ce tableau, par le pèlerin que je suis. Car comment se nomme celui qui regarde un tableau ? L'écrivain a son lecteur, le comédien ses spectateurs, le musicien ses auditeurs... Mais le peintre ? Son voyeur, son regardeur ? Pèlerin, c'est la seule réponse. Et là, le pèlerinage commence forcément par la coquille Saint-Jacques, cette conque qui donne sens, le sens et l'essence, l'encens dont la fumerolle nous mène doucement vers l'entre-deux. Entre-deux de cette voyeuse au visage si pur, au regard que dans le sens des aiguilles d'une montre, je suis, je deviens, ces deux-là dans leur intimité, dans leur timidité. Petit couple du Jardin de l'Etat aux baskets délicates, enlacés, croisés, aussi bleus dans la vision qu'une prunelle dilatée. Que voit-elle, que voyons-nous, de ces amours adolescentes ? Protectrice ; sa main serre son genou comme celle du garçon appréhende la taille si fine de son amie. Les jambes se croisent, et les bras. Solitude à deux, à trois, partagée. Un vent doux se lève entre eux, entre-deux, coquillage délicat, voile et filtre du regard.
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